Séminaire International 1. Dr. Henri Bourbou Bourbou, CAMEST Gabon : "Quand le Bwiti associe la danse à la thérapeutique"
.1) Quand le Bwiti associe la danse à
la thérapeutique
Dr. Henri Bourbou Bourbou Chargé de Recherche au CAMEST Gabon
Je ne suis pas guérisseur, je suis tout simplement un universitaire qui croit à la tradition et qui étudie depuis quelques années certains des aspects de la tradition Bwiti. J'ai Observé, J'ai écouté, j'ai noté et j'ai quelques résultats. C'est pourquoi, je me permets aujourd'hui de venir parmi vous pour vous parler d'un aspect essentiel : Quand le Bwiti associe la danse à la thérapeutique.
Les résultats que je rapporte ici ont été obtenus à dans une école traditionnelle à Awendjé dans le Mbandja de Moveny à Libreville. La période d'études durait de juillet 1997 à novembre 2000. Les informations proviennent d’enquêtes et d’observations personnelles.
1. La problématique
Au Gabon, il existe une tradition appelée Bwiti que les occidentaux classent au rang de religion alors que le Bwiti est plus qu'une simple religion. C'est un tout. C'est la vie, tout court. Le Bwiti englobe tout : l'homme, la médecine, la danse, la chanson, le comportement, la philosophie, l'éducation, la politique, les palabres, etc.
Il y a une expression que les Occidentaux ont souvent utilisée pour traduire le fait que l’on fasse du Bwiti : danser le Bwiti comme si le Bwiti était limité à la seule danse. Mais le Bwiti n'est pas synonyme de danse. C'est pourquoi, je propose plutôt que l’on parle de pratique du Bwiti, on pratique le Bwiti quand on fait du Bwiti.
Quelle est la signification de la danse ? Lorsqu'on parle de danse, le commun des mortels pense automatiquement au folklore, ce qui est la tendance générale des gens, et nous avons souvent partagé cet avis. C'est pourquoi, on parle dans le langage courant « de danser au Bwiti ».
2. La danse, c'est d’autres choses
La danse est souvent liée à nos rites et traditions. La danse est un moyen d'expression, une technique d'accàs au sacré. La danse a été toujours pour les Africains le moyen d'expression essentiel de tout ce qui est important. Elle a probablement été un mode de relation avec le sacré et le conditionnement pour communiquer avec l'au-delà.
3. Relation entre la danse et la guérison
Lorsqu'on observe ce qui se passe à l'intérieur de la tradition Bwiti, on se rend compte que le malade qui suit les soins est souvent invité à danser. Alors quelle relation peut exister entre la danse et la guérison ? Il y a des choses qu'on n'arrive difficilement à expliquer ou à interpréter. Il importe simplement de poser des hypothèses. 1) Pourquoi danse-t-on après avoir consommé l’Iboga, (Tabernanthe iboga) ? D'abord on prend l'Iboga pour se soigner, on dit que le fait de danser permet à une personne de combattre la fatigue car l'Iboga vous rend lourd dès que vous restez longtemps assis. 2) Pourquoi danse-t-on dès qu'on vient de se faire consulter après avoir pris l'Iboga ? Il semble que la danse permet au Nganga qui consulte de déceler les parties malades du patient. C’est-à-dire de le consulter à travers la danse. 3) Pourquoi un patient qui suit des soins doit être amené à danser à chaque fois et souvent ? On dit en médecine traditionnelle que la danse est le tout premier soin qu'on administre à un malade. On pense qu'en fonction de la manière de danser du patient, le guérisseur évalue si oui ou non le malade recouvre sa santé d'antan.
Ces quelques exemples montrent que la danse est liée au rite du Bwiti. A travers donc le Bwiti, on découvre que la danse a un rapport étroit avec le traitement des malades. Si la danse est parfois perçue comme un spectacle par le grand public, force est de constater que dans la tradition Bwiti, la danse symbolise quelque chose de plus profond. On pense que la divinité parle parfois dans la musique du Mungongo ou dans les chants accompagnés des tambours. On pense aussi que la danse est un passage obligé quand on veut vraiment atteindre un but. Il n’y a pas à proprement parler de rites sans l'organisation de la danse; si bien que la danse est devenue pour le Bwiti quelque chose de sacré. On dit à cet effet que la danse est imprégnée de sacré et tout se passe dans cette logique qui montre que toute la vie, toute la philosophie du Bwiti tourne autour du sacré. Nous avons retenu quelque chose d’important, la danse est essentielle dans le Bwiti. Il n'y a pas de Bwiti sans la danse et la guérison suit le rythme de la danse. Si le test est facile à faire pour le guérisseur, il est plutôt difficile à interpréter pour le commun des mortels. Quand un malade qui danse sur une piste a du mal à soulever ses pieds, le guérisseur sait qu'il est lourd et par conséquent, la maladie n’est pas encore partie. Quand, par contre, un autre patient qui danse donne l'impression d'être très léger dans ses mouvements, on dit que le malade commence à se débarrasser de ses charges et par conséquent sa vie commence à être sauvée. La danse peut être considérée dans le Bwiti comme étant un outil d'appréciation de la maladie. Le geste, les pas, le rythme du corps, l’humeur sont des éléments d’appréciation qui aident le guérisseur à apprécier l’état de santé du malade.