ATELIER CHOREGRAPHIQUE DU THEÂTRE NATIONAL

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4. Colloque International Thème 1 : COMMUNICATIONA DE MONSIEUR NANG EYI (GABON) PROFESSEUR A L'UNIVERSITE OMAR BONGO LIBREVILLE.

THEME1

TRADITION ORALE COMME SOURCE DE LA THEA TRALITE

COMMUNICATION DE MONSIEUR NANG EYI (GABON) PROFESSEUR A L'UNIVERSITE OMAR BONGO LIBREVILLE.

 

"... Ma communication s'inscrit dans le droit fil du thème: tradition orale source de la théâtralité, revenant donc à la source du Théâtre, pour ne pas dire à la source de la théâtralité.

N'étant ni expert de la Danse, ni des Arts de la Scène, j'aborderai donc ce sujet sur l'angle de la tradition orale; je commencerai par le théâtre.

Je prendrai comme point de départ une citation de PROUTEAU, mise en exergue en 1970 lors du Colloque d'Abidjan sur le théâtre africain.

Je cite: " s'il y a une chose que l'on s'attend peu à rencontrer dans les villages de la brousse africaine, c'est bien une représentation théâtrale, si rudimentaire soit elle.

Le Noir qui adore entendre raconter les fables, les légendes, semble au moins pour la grande majorité de ceux que j'ai connu, absolument étranger à la conception d'une fable mimée et jouée par les individus incarnant les Héros de l'aventure.

Même les plus lettrés de nos indigènes ont quelque peine à se faire une idée de ce que nous appelons Théâtre, tant qu'ils n'ont pas eu l'occasion d'une expérience professionnelle, car cette idée ne correspond à rien dans leurs souvenirs, les seuls divertissements que leur adolescence a connu sont les danses, souvent désordonnées" je souligne "désordonnées", "parfois réglées. . . "

Alors vous comprenez bien que même par rapport à la terminologie, nous sommes déjà loin du problème que nous traitons parce qu'il y a une certaine connotation des termes employés ici par PROUTEAU.

Je me pose donc la question de savoir si l'inexistence du Théâtre Africain en tant que tel dans le sens occidental du terme, et en tant que manifestation de la société occidentale, explique-t-elle l'inexistence de la théâtralité au niveau de la tradition orale ?

Et par rapport à cette question, je pourrais me poser une autre question. qu'est-ce que la tradition orale ?

De nombreux chercheurs se sont penchés sur le sujet dont certains, jusqu'aujourd'hui, ne sont pas encore tombés d'accord, et il en va de même pour l'expression: littérature orale.

Nous avons par exemple les définitions de Yan Van SINA qui parle d'un message laissé par les ancêtres sous diverses formes, ainsi que les contes et légendes. . .

Nous avons également l'appréciation d'un historien africain célèbre, Joseph Kizerbo, qui parle du témoignage transmis par son peuple sur son passé.

Quant à moi, je rejoins le professeur Honora AGUESSI qui a essayé de dégager dans le vaste chant couvert par la tradition orale certains secteurs.

C'est ainsi que nous pouvons parler des secteurs qui concernent les proverbes, les contes, les chansons, les dictons, les paraboles, les scénettes, mais il y en a encore d'autres dont l'anthroponymie, l'artisanat, la pharmacopée, les mythes et les éléments culturels véhiculés par les récits et rituels religieux.

Nous pouvons donc constater que la tradition orale couvre un vaste champ. Je pourrais encore dire sur le Théâtre, en citant un illustre Gabonais qui vient de disparaître (le dramaturge Vincent de Paul NYONDA) et qui l'a écrit sur sa maison: "tout est théâtralité".

Et par conséquent, on peut dire que moi qui donne ici une conférence, je suis en train de faire du théâtre, le médecin qui soigne son malade fait du théâtre, l'agriculteur qui laboure son champ fait du théâtre.

Prenons maintenant l'exemple de la cérémonie MEKOM, pluriel de AKOM qui, chez les Fangs du Gabon, signifie fabriquer, organiser.

Dans cette danse, la théâtralité se retrouve d'abord au niveau de l'accoutrement : le chanteur de Mekom qu'on appelle Ndzô Mekom c'est-à-dire "Celui qui dit les arrangements", se distingue par un bonnet de plumes, trois peaux de chat de tigre pendues a sa ceinture, un morceau de corne ou de bois planté dans l'une de ses narines pour donner à sa voix un éclat nasillard; il tient dans une main une sorte de mirliton et de l'autre, une corne d'ivoire "Zock Mekôm" dans laquelle il souffle...

Ce personnage est déjà tout un théâtre à lui seul.
En plus de cet aspect vestimentaire, nous avons la danse et les chants avec l'Akôm qui chante des couplets; les autres participants répondent en effectuant divers mouvements, accompagnant les chants en frappant l'un contre l'autre des bâtonnets.

Au niveau du drame, nous avons un échange de paroles; un dialogue se forme entre le chanteur principal et les autres membres de la communauté.

Il y a donc une participation plus active par rapport au théâtre occidental parce que le spectateur fait partie des acteurs même de la cérémonie; n'oublions pas que le chanteur de Mekôm parle des choses du passé et qu'il y a donc récit.

Il est placé au centre du cercle de l'assistance, ce qui fait qu'il y a moins de danse que de chant et de parole. Cette danse de Mekôm est une mise en scène du travail du fourneau, donc de la fonte du fer, travail pratiqué chez les Fangs d'antan.

Nous pouvons constater ce qui suit: les travaux du fourneau, et les performances de la danse Mekôm *sont présidés par un même personnage; les instruments qui sont utilisés semblent une reproduction des outils de fourneau. La disposition en cercle des hommes, et les mîmes du Chanteur paraissent reproduire intégralement le travail du fourneau.

D'autres danses de la société Fang, interprétées par des femmes coiffées de plumes d'oiseaux ont souvent été mal interprétées par les ethnologues de passage. J'ai même entendu au colloque d'Abidjan que ces plumes symbolisaient des danses d'oiseaux.

Il n'en est rien. Chaque danseuse porte un nom qui lui est propre dans l'interprétation de son rôle.Ces noms constituent des espèces de devises avec des pas de danses s~l&cifit1ues qui mettent en exergue le caractère du personnage.

Je terminerai mon propos par le Mvet, épopée des Fangs du Nord du Gabon, qui constitue l'exemple même du théâtre sur scène dans la mesure où l'on dispose d'un espace scénique et que l'auditoire est assis de chaque côté, le conteur se plaçant de telle sorte qu'il tourne le dos à la forêt.

Nous y retrouvons encore la déclamation, un récit, donc la littérature orale avec la musique, le chant et la danse. Dans le Mvet, gestes, chants et danses sont indissociables, et nous pouvons considérer le joueur de Mvet comme auteur ­compositeur -Acteur.

En conclusion, la tradition orale à travers ces différents secteurs constitue une source importante de la théâtralité et elle doit donc être prise au sérieux car c'est un modèle de culture; quand je parle de modèle de culture, il faut comprendre par là que c'est une autre forme de culture différente de celle de l'Occident qui a la sienne Cette tradition orale peut occuper une place importante dans la connaissance et la valorisation du passé africain.

Les civilisations africaines qui sont les civilisations de l'oralité, les civilisations du verbe, du rythme et du symbole, doivent être promues, sauvegardées afin de participer pleinement aux rendez-vous du donner et du recevoir.

A l'aube du troisième millénaire, il est temps de parler du Théâtre de l'univers, théâtre au sein duquel toutes les civilisations se reconnaîtront.

Il est temps de reconnaître aux peuples d'Afrique ce qui leur est propre, ce qu'ils détiennent, avec une approche beaucoup plus objective.

La tradition orale peut être et doit être d'un apport positif et considérable pour la connaissance et le développement des Arts de la Scène.



31/03/2012
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