ATELIER CHOREGRAPHIQUE DU THEÂTRE NATIONAL

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17. Colloque International Thème 3 : Communication de Mr Georges MOMBOYE (Côte d'Ivoire) Danseur - Chorégraphe

THEME 3 SUITE

"DE LA DANSE TRADITIONNELLE A LA CREATION CONTEMPORAINE AFRICAINE"

COMMUNICATION DE MONSIEUR George MOMBOYE (COTE D'IVOIRE)
DANSEUR, CHOREGRAPHE

"Monsieur le Président, Madame la Rapporteur... La danse traditionnelle a été créée par des fabuleux créateurs capables de célébrer leur temps, et leurs événements ; capables de rassembler et de faire communier entre eux les membres d'une même communauté, d'un même groupe, d'une même ethnie.

Elles a ses propres règles, ses propres codes, ses habitudes, elle marquait des événements, des moments dans la vie des anciens, sans aucune volonté de les mettre en scène au sens où la mise en scène s'organise dans une salle de théâtre.

Elle a un lien avec la vie, la vie de la société. Elle traçait et trace encore la trajectoire des femmes qui accouchent, les épopées, les combats de guerriers.

Elle est la mémoire collective. Elle fouille l'inconscient jusqu'à la transe, elle guérit aussi en sachant faire parler les esprits. Cette danse était une danse sans prétention, même si elle s'organisait avec rigueur dans l'espace, et organisait l'espace et les règles de la communauté.

En fait, elle n'a jamais souhaité être exposée. Enseignée à de jeunes générations, on leur en transmet les codes, on leur en donne le sens et les clés avec précision: il s'agit d'une initiation. Cet enseignement est très riche.

Cette danse traditionnelle en Afrique, en Côte d'Ivoire en particulier puisque c'est celle que je connais le plus précisément, et à laquelle je suis initié, possède une richesse dont on ne peut mesurer l'ampleur.

Mais cette richesse demeure, hélas, incompréhensible à ceux qui lui sont culturellement étrangers.

Le jeune créateur tenté par l'acte de création, hanté par sa volonté de communication, est donc contraint de sortir de la rigueur des codes et des règles traditionnelles, même s'il commet à cet instant un acte de déstructuration.

Le désir de création domine la danse, c'est la scène, la scène c'est la rencontre avec d'autres règles, c'est le respect d'autres codes, c'est la complicité avec régisseur, la rencontre avec du matériel technique; - C'est aussi l'ouverture et fermeture d'un rideau, c'est une salle noire, un espace neuf, sans vie ni lumière dans lequel, par la magie de la mise en scène, on va amener un instant de vie.

On va éclairer cet espace en y transportant, ou en y transposant peut-être dans un geste symbolique, un moment de vie intérieur.

Placée dans un tel contexte, la danse traditionnelle avec ses codes et ses règles créés par les anciens demeure incompréhensible. Transposée en tant que telle, elle paraît décalée, déportée, même pour un public de citadins africains.

Confronté à cette incompréhension, c'est alors toute une série de questions auxquelles se heurte le nouveau créateur; comment faire passer le message pour non initié qu'on ne veut pas décevoir; comment faire une danse de femmes accouchent sur une scène inappropriée ; comment mélanger les différentes célébrations sociales dans une seule mise en scène puisque la tradition l'interdit et alors que l'espace scénique le permet.

Comment raccourcir le temps réel, et les événements qui le rythment pour placer en une heure trente de représentation. L'espace scénique permet alors de décomposer un mouvement ancien pour recomposer un autre mouvement, et retrouver le sens d'une nouvelle histoire, ou de propre histoire.

C'est en effet à travers la recomposition du mouvement qui appelle d'autres mouvements dans une sorte de continuité, que le créateur trouve ainsi l'embryon réponse à ses questions.

La danse contemporaine Elle annonce dans l'absolu une rupture. Rupture a toutes les~autres formes de danse établies: classique, moderne jazz, traditionnelle; E représente en soi la déstructuration. Elle signifie le présent ou l'actualité, le moment il devient possible de casser un mouvement, un pas pour savoir ce qu'il y a dedans.

Avec le contemporain, le créateur devient libre. Il peut danser et faire danser: penché sur le côté, en avant, en arrière, à quatre pattes. . . il peut dépasser les techniques ou formes de l'expression dansée qui existent déjà. demi-pointes, entrechats cha-cha-cha par exemple.

La forme contemporaine est permissive. Elle permet de faire des pirouettes sur I talons ou autre choses, pourvu que ce mouvement permette d'aller plus loin dans qu'on désire exprimer. Elle porte en elle l'idée de la création. Elle dit. "C'est nouveau, n'est pas d'avant c'est de maintenant!".

En sachant ce que chaque mouvement, geste ou pas porte à l'intérieur de lui même, le créateur retrouve le sens de l'expression.

En précisant avec rigueur le sens du message qu'il souhaite faire passer, il gagne en efficacité. C'est alors seulement qu'il communique avec son public parce qu'il est clair, limpide.

Il retrouve la source de la danse. L'histoire racontée devient lumineuse pour un public dont le créateur brasse les émotions et qui peut passer ainsi du rire aux larmes par la seule magie de l'instant et par la richesse d'expression qu'il lui est donné de voir.

Richesse insoupçonnée, comme l'est et le demeure la danse traditionnelle africaine, mais ouverte cette fois à la compréhension du public non initié à ses rites et à ses coutumes.

"De la création contemporaine à la danse contemporaine africaine". Au contraire de la danse contemporaine occidentale, la danse africaine contemporaine ne se base pas sur la rupture. Ici, il n'y a aucune rupture avec la danse traditionnelle. Elle exige au contraire une adhésion, une digestion de la danse traditionnelle, une inscription dans le corps. Elle est écrite dans celui-ci comme le langage des griots sous forme de. paraboles, de proverbes.

De cette aisance à embrasser la globalité que permet le proverbe, il va falloir extraire des phrases pour construire une expression d'aujourd'hui accessible au plus grand nombre, artistes, néophytes ou public.

Les danses traditionnelles sont alors les vrais points d'appui de l'inspiration; ces danses, au départ enfermées dans le carcan du cercle des initiés, sont la source même de l'inspiration. Cette source est sans fin, composée de tous les éléments, elle est le rocher et l'eau.

Il s'agira donc pour le créateur africain contemporain de mettre l'accent sur tel aspect, ou tel élément de la construction pour l'alléger, l'offrir et l'ouvrir vers une autre dimension, voir une démarche universelle.

La permission que prend le créateur de violer quelque part les interdits qui rendent certaines danses traditionnelles secrètes, n'est peut-être pas la marque d'une rupture mais plutôt la marque de l'ouverture vers une clef destinée à ouvrir une porte derrière laquelle sommeille quelques secrets.

En fait de rupture, elle n'existe que par rapport au cadre dans lequel la danse traditionnelle évolue et tient compte d'une histoire de la colonisation qu'il est impossible d'ignorer.

Le plan de la construction, les éléments de cette construction sont les mêmes, mais les matériaux sont adaptés, ils expriment l'actualité et permettent d'être plus explicites, de mieux faire passer le message, de rendre nos danses traditionnelles plus digestes aux non-initiés en gardant la complicité entre le musicien et le danseur.

Ce qui caractérise encore les danses traditionnelles africaines dans le contexte contemporain est l'utilisation du rythme qui favorise l'emportement, le dépassement, l'exaltation par les sons et les vibrations.

Elle ne cherche même pas à se poser selon les exigences de la danse contemporaine occidentale qui elle, cherche à briser des règles, des techniques, des termes établis. Elle utilise seulement les mêmes espaces scéniques à une même époque; elle qui est la mienne perpétue la vie, en soi elle est un acte de création.

Pour conclure si l'appellation contemporaine de la création est ignorée en Afrique, puisqu'il s'agit d'un concept purement occidental, le créateur africain parvient à s'y retrouver puisqu'elle lui donne accès à ses propres possibilités, elle lui permet de rassembler des danses éparses et disparates en apparence pour les développer en un mouvement cohérent, en une seule danse qui lui fait raconter sa propre histoire.

Mais histoire qui, cette fois, en devient une où d'autres se retrouvent, histoire d'entrelacement, de rencontre, histoire qui percute, histoire qui palpite en retournant à la source.

Cette danse dit alors mieux qu'une série de mots accolés. La danse est unique, elle embrasse le temps en l'éclairant ou en l'embrasant. Elle est la vie, la danse est la vie; et ça c'est africain.

 



16/10/2010
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